Le romancier est un brin provocateur et son personnage iconoclaste mais terriblement humain et terriblement sincère. Le qualificatif de branleur lui va si bien! Il a une estime de soi tellement proche de zéro qu’il ne ressent aucune motivation à entreprendre quoi que ce soit, qu’il ne trouve aucun intérêt à ce qu’il fait ou dit ou pense. Il se laisse ballotter par le hasard et se heurte sans cesse à la misère humaine, aux plaintes et lamentations de ses semblables dont il finit par faire son job.
Ce branleur est très attachant, même s’il est parfois un connard égoïste et révoltant. L’auteur fouille ses ressorts intimes et décrit son quotidien dans un langage simple et très juste. Je ne peux m’empêcher de retranscrire ce passage qui n’a même pas besoin d’être resitué dans son contexte:
Marie était arrivée accompagnée d’une femme gardienne qui l’amena jusqu’à la chaise en face de moi. Marie assise, la femme quitta la pièce. Elle leva ses yeux, beaucoup plus grands que sur la photo scolaire. Je lui souris un peu bêtement. J’attendais comme un évènement pour commencer à parler. Qu’elle s’allume une cigarette ou qu’elle réclame un verre d’eau. Rien. Elle me regardait calmement. A cet instant, le monde n’existait plus, ou il était son regard.
Samuel Benchetrit, Récit d’un branleur
Peut-on écrire cela si on ne l’a pas vécu soi-même?