Les foules sont-elles poussées plus facilement à la violence? Café-philo Novembre 2025

Naples – photo personnelle -Sept. 2019

Ce que j’en pense après le débat:

Comment définir la foule? Un grand nombre d’humains (par opposition à l’élite d’après le dictionnaire). La foule n’est pas un être vivant, c’est quelque chose d’impalpable, dépourvu de conscience et de volonté propres même si elle peut être organisée dans certaines circonstances. Il faut distinguer les foules passives qui sont un agrégat de personnes réunies en un lieu sans détermination précise, sans but commun. Les foules actives sont considérées comme des organismes sociaux temporaires capables d’actions plus puissantes que celles d’individus isolés. On peut aussi distinguer les foules physiques où les personnes agissent « en présenciel » et les foules virtuelles constituées par exemple par les réseaux sociaux dont les membres sont réunis « sur la toile ». Cette foule virtuelle possède des caractéristiques singulières: elle est innombrable, elle est permanente, elle est fluctuante (ses connexions se font et se défont à chaque instant), elle est anonyme et l’histoire récente a démontré à quel point elle peut être violente (harcèlement, assassinats…).

On associe fréquemment foule et violence mais une foule n’est pas ontologiquement violente. Elle peut être tout à fait calme et plaisante, parfois brutale elle provoque des dommages parce qu’elle possède une force difficile à contenir. Des mouvements de foule à La Mecque ou dans des stades de football ont provoqué de grandes catastrophes. Une foule peut aussi exercer une violence volontaire parce qu’elle est réunie dans cette intention. Mais nous répondons là à la question « la foule est-elle violente? » alors que la question originelle interroge d’une part sur ce qui pousse les foules à la violence et d’autre part introduit une comparaison: plus facilement signifie-t-il plus facilement aujourd’hui qu’hier? ou bien les foules sont-elles poussées plus facilement à la violence que les individus qui la constituent?

Les ressorts de la violence pour y entraîner une foule sont la conviction, la manipulation et la frustration, utilisées pour persuader les personnes que le but à atteindre est justifié, qu’il est injuste d’en être privé (surtout si d’autres personnes en profitent), que la violence est un moyen d’y parvenir et qu’il faut donc combattre même physiquement tous ceux qui s’y opposent. Les moyens modernes de communication touchent un grand nombre de personnes dans de brefs délais et diffusent largement des messages de mobilisation. La foule n’est pas rationnelle, elle fonctionne à l’instinct et à l’émotion, elle obéit aux injonctions. Trompée ou convaincue, la foule, en grand nombre et motivée, a les moyens d’imposer une volonté et défendre ses intérêts et la violence est un de ces moyens.

Dans la foule, la personne anonymisée et mobilisée n’a pas le comportement d’un individu isolé. La psychologie a bien étudié ces comportements sous-tendus par les besoins de l’évolution: pour survivre il est nécessaire de s’adapter au groupe. Ils répondent à des mécanismes d’activation neuronale aboutissant à: – un processus d’identification collective qui procure un sentiment d’unité ou d’hostilité – un désir d’appartenance ou une peur de l’exclusion – une stimulation de la motivation et de la performance (se surpasser ou être inhibé) – une contagion émotionnelle qu’on attribue aux neurones miroirs qui conduit à imiter ce que l’on observe – une désindividualisation c’est à dire une réduction de la conscience de soi, de la capacité au contrôle de soi et du désir de respecter des normes sociales – une diminution de la perception des risques qui pousse aux défis et à la transgression des règles. Dans des circonstances appropriées une personne sera poussée à la violence au sein d’une foule mais la foule n’a pas le monopole de la violence et un individu isolé s’adonnera à une violence extrême là où la foule ne produira que des dégâts matériels.

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