L’ « Art de la Joie » est un must absolu que chacun devrait lire au moins une fois dans sa vie. Pour l’adorer, l’aimer ou le détester mais dans tous les cas pour réfléchir à ce qu’on va faire de sa vie ou à ce qu’on en a fait. L’Art de la Joie est un roman de Goliarda Sapienza qui n’est pas une autobiographie mais dans lequel l’auteure sicilienne s’incarne dans son héroïne, Modesta. Elle y apparait viscéralement féministe parce que dévorée par un besoin de liberté totale sans aucune concession au point d’être amorale. A lire aussi pour le plaisir de déguster une écriture vivante, subtile, très poétique remplie de métaphores inimaginables qui sont dans le roman comme une nuit d’étoiles filantes.
C’est une saga familiale qui commence en 1900 avec Modesta, l’héroïne mal nommée du roman. Son enfance est remplie du pire de ce qu’une enfant peut subir et accomplir, une enfant déjà possédée par la curiosité de tout, la rage de conquérir sa liberté et qui s’autorise tout, absolument tout pour anéantir le destin qui lui est promis. Elle comprend très tôt que la rédemption viendra de l’étude, de la réflexion et de l’observation des autres. Aucun domaine de la pensée n’échappera à son analyse, aucune règle morale ou sociale ne dictera ses choix de vie. C’est un roman philosophique: quel est le sens de la vie? qu’est-ce que la liberté? Où chercher le bonheur?
C’est un roman historique qui décline un siècle d’évènements en Italie: les deux guerres mondiales, l’avènement des partis politiques de gauche, la vie dans l’Italie fasciste et après la fin du fascisme, les déceptions, le sentiment d’une impuissance à faire émerger une société plus juste. Politique, sociologie, psychanalyse, rien n’échappe à la critique de Modesta et de sa tribu. Dans sa vie sexuelle et dans sa vie amoureuse Modesta n’a aucun tabou et ne s’impose aucune limite de genre, d’âge, de milieu social, de lien familial, de pratique sexuelle… Les conséquences de ses choix sur la structure de la famille (ou de la tribu?) et l’éducation des enfants sont étonnantes.
Il m’est venu à l’idée de relire les définitions du cynisme: Qui est relatif à l’école philosophique de Diogène et d’Antisthène, suivant laquelle la pratique de la vertu consiste à mépriser les conventions sociales, à braver l’opinion publique, dans le but de revenir à l’état de nature. (https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/cynique). L’ « Art de la Joie » c’est la quête sans concession du bonheur et de la joie par une cynique magnifique.