Café-Philo Novembre 2024 (2): L’éducation peut-elle être autre chose qu’un conditionnement social?

Ce que j’en pense après le débat:

L’éducation peut-elle être autre chose? Il y a là un sous-entendu qu’elle est un conditionnement social et peut-il en être autrement? Eduquer, c’est pour moi accompagner un enfant (une personne) dans le but qu’il soit bien dans son corps, adapté à son milieu et capable d’exercer son libre arbitre. Et le conditionnement social c’est quoi? C’est un processus qui va nous « court-circuiter » le cerveau et qui va nous éviter de trop penser, car nous croyons que c’est normal et que cela ne mérite pas d’y réfléchir. Souvent, les médias, l’état, et beaucoup plus proche de nous, nos PARENTS vont nous faire croire qu’il faut faire ainsi (https://labogt.wordpress.com/2009/06/16/le-conditionnement-social-controle-social/). Voilà une assertion commune et réductrice. Plus généralement, le conditionnement social c’est utiliser des routines pour inculquer des connaissances et des pratiques d’utilité individuelle et sociale, qui n’auraient pas vocation à être contestées.

L’éducation est assurée par les parents, la famille, l’école, l’état, les autres éducateurs (loisirs, églises…), les camarades/amis et groupes, les rencontres de hasard et les réseaux sociaux. Les lieux où on s’éduque sont ceux où on se parle et où on participe à la vie sociale. L’éducation doit être adaptée à chaque enfant et à chaque stade de son développement. L’acquisition des connaissances (savoir), les apprentissages (savoir-faire), l’adaptation des comportements, la maîtrise des émotions (savoir-être), s’acquièrent par l’écoute et l’observation (perception) avec la nécessité d’une répétition des expériences. L’éducation est différente d’un pays à l’autre car elle est un reflet de la société. Les enfants qui la reçoivent passent par des stades évolutifs: l’identification, l’opposition puis le tri qui conduit à l’acquisition de la liberté.

L’éducation est un conditionnement social. La répétition des expériences éducatives jusqu’à ce que soit atteint le stade de l’acquisition des connaissances ou des comportements fait le lit d’un conditionnement que les éducateurs réalisent pour une grande part de façon inconsciente. C’est d’ailleurs plus facile pour des éducateurs d’appliquer un conditionnement organisé qui nécessite moins de disponibilité et d’énergie et permet de faire abstraction de ses propres valeurs et croyances. Ce conditionnement inéluctable apporte des facilités à vivre, des réponses réflexes, des comportements instinctifs adaptés, l’acquisition d’outils (la lecture, l’écriture, l’observation, la persévérance…) qui permettent la progression de l’éducation. L’Etat s’impose dans l’éducation car elle a, parmi ses objectifs, la nécessité de maintenir la cohésion de la société, de transmettre ses valeurs (liberté, égalité, fraternité), ses caractéristiques identitaires et son histoire et de participer à l’universalité de l’éducation. L’Etat peut aussi orienter l’éducation pour répondre à ses besoins économiques, démographiques voire géopolitiques. Il impose donc l’école obligatoire et ses programmes avec le risque d’un conditionnement de droite ou de gauche ou pire, l’endoctrinement politique, religieux ou sectaire. Tous les groupes sociaux sans exception et dans ceux-ci tout particulièrement les enfants, consacrent de plus en plus de temps à la consultation d’internet et des réseaux sociaux qui participent donc de plus en plus à l’éducation. Avec un accès facilité au savoir et aux apprentissages, avec la multiplication des échanges, avec la grande diversité des intervenants, on ne peut pas nier que ces nouveaux médias peuvent avoir un rôle bénéfique. Mais c’est un phénomène encore récent dans l’histoire des civilisations et il porte beaucoup d’insuffisance dans son contrôle et sa régulation, source d’inquiétude pour la santé mentale des jeunes, le risque d’addiction, leur développement sexuel, leur hiérarchie des valeurs. Nul doute que l’absence de contrôle de l’information largement diffusée et que l’intervention des influenceurs de tout bord contribuent à un conditionnement néfaste.

Tel que décrit ci-dessus ce conditionnement social suffit-il à procurer au futur citoyen le savoir, le savoir-faire et le savoir-être qui seront utiles à lui-même et à la société? Suffit-il à faire des adultes bien dans leur corps, adaptés à leur milieu et capables d’exercer leur libre arbitre? Le conditionnement social est une étape indispensable mais il n’est pas suffisant. Au stade du tri des acquis, après ceux de l’identification et de l’opposition, l’émancipation doit compléter le conditionnement social. Il convient alors pour la personne éduquée de rejeter ce qui ne lui paraît pas éthique, moral ou légitime, de douter de ce qu’elle ne peut établir comme vrai, et de mettre en oeuvre les fruits du conditionnement social, non du fait du conditionnement mais parce qu’elle les a reconnus comme bons pour elle-même et pour la société. Le conditionnement social ne peut être qu’une étape avant validation par la personne et il peut comporter en lui-même des objectifs d’émancipation. L’éducation peut donc être « autre chose » si les éducateurs reconnaissent la nécessité de la remise en question des acquis du conditionnement, d’entraîner à l’esprit critique, s’ils concourent à faire prendre conscience de ce qu’est le libre arbitre, cette faculté de penser par soi-même et d’agir selon ses convictions. Dépendant de l’ensemble des éducateurs, l’Ecole y participe, par exemple en faisant prendre conscience des responsabilités du citoyen dans les cours d’éducation civique et par l’enseignement de la philosophie. Le résultat du conditionnement social n’est pas un état immuable, il n’est pas définitif et il est possible de se déconditionner tant qu’on a la capacité d’analyser et la volonté de changer. L’apprentissage du libre arbitre est tout aussi indispensable que le conditionnement pour sortir l’enfant de son déterminisme social. Il est aussi nécessaire à l’évolution et au progrès social.

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