La jeune cinéaste marocaine, Asmae El Moudir (http://www.africine.org/personne/asmae-el-moudir/26441), s’attaque dans son premier long métrage à un sujet difficile, les blessures et les vérités qui marquent les familles de façon indélébile et que pourtant on ne se transmet pas, les transformant ainsi en mensonges par omission. Regardez le visage de la matriarche ci-dessus et le doigt qui lui scelle la bouche et ordonne de se taire. Pour faire parler les siens la cinéaste confectionne un théâtre de marionnettes et met en scène sa propre vie, celle de ses proches et de son village.
Je n’avais aucune connaissance et aucun souvenir de ce mois de juin 1981 à Casablanca pendant lequel eut lieu « la révolte du pain » (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89meutes_de_1981_%C3%A0_Casablanca). Une baisse des subventions sur des produits de première nécessité ajoutée à une importante inflation et une période de sécheresse persistante ont conduit à une grève générale qui a dégénéré en émeutes. L’armée investit la ville avec chars et hélicoptères, tire à balles réelles et torture des manifestants. Il y aurait eu de 600 à 1000 victimes, 5000 arrestations et des familles déclarent n’avoir jamais retrouvé la dépouille de leurs proches disparus. C’est d’eux dont on ne parle pas, honte d’avoir participé aux émeutes?, peur du régime politique ou des dénonciations?, superstition? La matriarche se tait ou dit « Vive le roi ».
Asmae El Moudir réalise un beau film documentaire, nécessaire au devoir de mémoire, qui est aussi une réflexion sur le courage de parler. Si le film n’est pas toujours facile à suivre, l’idée du théâtre de marionnettes est originale et la mise en scène est remarquable. Cette oeuvre a reçu une pluie de récompenses dont le Prix de la mise en scène – un certain regard à Cannes 2023 (https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89meutes_de_1981_%C3%A0_Casablanca).