Toutes les cultures sont-elles compatibles? Café-Philo Février 2025

Ce que j’en pense après le débat:

A quelle condition des cultures seraient-elles définitivement incompatibles? La morale fait-elle partie de la culture? Quel est le périmètre de la culture? Des valeurs divergentes concernant le bien et le mal caractérisent-elles des cultures irréconciliables?

Ma culture fait partie de moi, je ne suis pas distinct de ma culture. Ce qui me constitue et qui constitue ma culture, ce sont: mon patrimoine génétique, mes apprentissages et mon environnement. C’est ce qui fait ma singularité et j’ai un instinct naturel de la préserver pour assurer ma survie, donc de me méfier de ce qui est différent (la racine des préjugés?). Cependant, je partage mes gênes, mes apprentissages et mon environnement au sein d’une communauté et l’évolution de l’humanité nous a appris que la survie de l’espèce exige que la communauté coopère et à l’échelle du monde que les communautés coopèrent. Il y a donc une apparente contradiction et un équilibre à trouver entre préserver sa singularité et coopérer. La communauté concernée est plus ou moins élargie selon l’élément de culture considéré (à mon parti politique pour défendre mes idées, à la francophonie pour défendre ma langue etc.). La culture de la communauté est la somme de la culture de chacun des individus qui la constitue. Elle est donc très vaste et hétérogène et me contraint à considérer une communauté à géométrie variable (celle qui parle français, celle qui adhère à la religion catholique, celle qui est attachée aux traditions, celle qui refuse l’avortement etc.)

La culture est évolutive, mon patrimoine génétique évolue, mes apprentissages et mon environnement évoluent. Cette évolution n’est pas synchrone chez tous les individus de toutes les communautés. Ce décalage spatio-temporel est à l’origine de beaucoup d’incompatibilités de culture mais qui sont temporaires, le temps que de nouveaux apprentissages modifient les opinions et les habitudes. Au siècle précédent la culture écologique préoccupait bien peu la société, aujourd’hui la culture paysanne et la culture écologique s’affrontent au point de s’entretuer pour une bassine ou un barrage, on peut rêver que demain une règlementation s’imposera à tous. A ce titre et à l’échelle de l’évolution de l’humanité, de graves conflits d’incompatibilité de culture pourraient apparaitre comme des péripéties.

Je tiens à des valeurs qui m’ont été enseignées (apprentissage) et qui, à mes yeux, devraient être partagées au sein de ma communauté et dans celles avec lesquelles je commerce (au sens large). Ces valeurs sont morales, elles sont définies, reconnues et garanties par l’Etat. Ces choix politiques incombent et s’imposent à tous les membres de la Nation: le respect de la vie humaine, l’égalité homme-femme, le droit des enfants, la solidarité envers les plus faibles, le respect de la nature, le respect de la vie privée et de la liberté d’expression, l’abolition de la peine de mort, le droit à l’avortement en sont des exemples. Ces droits ne sont pas acquis par toutes les communautés humaines et ne le sont pas simultanément, pouvant donner lieu à des incompatibilités de culture. C’est encore la mission de l’Etat et la responsabilité des médias que la culture soit diffusée partout et à tout moment pour prévenir ou apaiser ces incompatibilités transitoires.

Les cultures ne sont définitivement incompatibles que, parce que dans un objectif de survie, les communautés humaines ont un instinct de préservation et d’expansion (croître ou mourir). Si une tribu amazonienne ou guinéenne est anthropophage, peu m’importe si je l’ignore et cet élément de sa culture n’est pas incompatible avec la mienne tant qu’elle reste confinée dans sa zone géographique originelle. C’est de vouloir s’imposer à d’autres communautés qui la rendrait incompatible.

Ce qui, par ailleurs, fait la culture d’un peuple: ses croyances, ses idoles, son système politique, son organisation sociale et économique, son système éducatif, ses expressions artistiques, son histoire, ses traditions etc. ne me semblent pas devoir générer des incompatibilités durables de culture mais plutôt être source d’échanges et d’enrichissement mutuels. A moins que cette culture soit un prétexte à dominer pour survivre (imposer son système économique ou politique par exemple). Mais les échanges et l’enrichissement mutuels reposent sur un socle de communication et de confiance, ils seraient impossibles entre des communautés dans lesquelles les « fake news » ont pollué la communication, où le complotisme a remplacé la vérité et où la violence fait la loi.

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