de Jon Kalman Stefansson, publié en Islande en 2013, traduction française en 2015 aux éditions Gallimard
Encore un roman venu d’Islande et quel roman! Certes une lecture pas des plus faciles parce que les repères sont brumeux comme le climat, que les pensées de l’auteur font diversion dans la chaîne des évènements et parce que l’écriture est très élaborée. Mais quelle richesse de contenu et quel plaisir de lecture!
Comme dans d’autres romans islandais (https://www.onlalu.com/livres/roman-etranger/miss-islande-audur-olafsdottir-47571/), l’Islande est omniprésente avec ses couleurs de lave noire, de cendres et de neige, avec ses volcans et ses montagnes comme de fines dentelles ou des géants menaçants, avec ses tempêtes, ses vents glaçants, ses averses de pluie et de neige, ses ciels limpides chargés d’étoiles ou rageurs bourrés de nuages turbulents. Puis il y a la mer tantôt noire et plate, tantôt hostile avec des vagues « si hautes qu’elles semblent faire monter le fond de l’océan pour vous chercher ».
Beaucoup d’évènements de cette saga familiale se déroulent à Keflavik, la ville sacrifiée, privée de son quota de pêche et en conséquence de ses activités de pêche et portuaires. Puis les américains abandonnent leur base militaire et c’est une population vivante, bruyante qui s’en va avec ses commerces et ses traffics. Enfin la punition ultime, des tonnes de roches millénaires sont déversées sur le littoral, séparant Keflavik de la mer « par des centaines de milliers d’années ».
C’est dans ce contexte que le narrateur raconte l’histoire d’Ari et de ses ancêtres. Ari l’intellectuel, le poète qui, un jour, renverse d’un geste du bras la table du petit-déjeuner et quitte femme et enfants parce qu’il n’en peut plus du grand écart entre ses rêves d’adolescent et sa vie quotidienne. Ses ancêtres, sa fratrie, ses anciens camarades d’école n’ont pas moins de couleur et tous sont imprégnés de la terre et de la mer d’Islande avec une bonne dose de mélancolie, d’obstination, de sensibilité et une grosse part de rêves.
Jon Stefansson (https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%B3n_Kalman_Stef%C3%A1nsson) raconte la centaine d’années qui a vu vivre ses personnages. Il raconte pour que « vous n’oubliiez jamais que tout le monde a un jour été jeune, afin que vous compreniez que tous autant que nous sommes, un jour viendra où nous brûlerons, consumés de passion, de bonheur, de joie, de justice, de désir, parce que c’est ce feu là qui illumine la nuit, qui maintient à distance les loups de l’oubli, afin que vous n’oubliiez pas qu’il faut vivre et ressentir… ». Il raconte magnifiquement, d’une écriture à la fois construite et désinvolte, avec beaucoup d’humanité, cette saga familiale et au fur et à mesure de son récit, il nous livre ses pensées sur tout ce qui marque notre vie: la musique, l’amour, les premiers émois et le premier chagrin d’amour, la mort, la mélancolie, la dépression, les apparences et les illusions, le burn out maternel, le viol, la place que les hommes réservent aux femmes… bref, il nous parle de nous et c’est touchant.
En lisant Stefansson, on a souvent envie de souligner ses phrases très poétiques afin qu’elles nous accompagnent à différentes étapes de nos vies. Le roman « A la mesure de l’univers » est la suite de « D’ailleurs les poissons n’ont pas de pieds »… c’est un dyptique littéraire exigeant mais bouleversant.
Bonjour Mélanie, merci de ton commentaire que je partage sans réserve. Tu es la bienvenue sur mon blog et j’espère profiter de tes avis. Amitiés.
Merci 🙂
A vous lire, je vois que vous appréciez la littérature islandaise. Si vous ne l’avez pas encore lue, voici une autre pépite venue du froid : La lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson. Ici, nulle question de pêcheurs, mais de bergers. Un condensé d’Islande, d’amour, de poésie et de lâcheté dans ce petit roman épistolaire.