Ce que j’en pense après le débat:
Nous avons la chance de vivre dans un pays démocratique qui a, pour sa population, un idéal de « Liberté, Egalité, Fraternité ». Je ne suis pas naïf au point de ne pas mesurer l’écart (l’abîme?) qui sépare l’idéal de sa concrétisation au quotidien dans la vie et dans les institutions, néanmoins je pense qu’en France, le système éducatif vise à former des citoyens responsables, respectueux de nos institutions et capables de satisfaire aux besoins de la nation. Des citoyens émancipés? (https://weeprep.org/education-nationale-vous-dites-former-des-citoyens-emancipes/). On peut donc considérer que l’école est davantage un instrument d’éveil qu’un outil de formatage des esprits. Il n’échappe à personne qu’il n’en va pas ainsi dans tous les pays du monde. A l’autre extrémité du spectre, interdire l’accès de l’école et de l’université aux filles et aux femmes pour mieux les asservir aux hommes, est un scandaleux exemple de formatage.
Même si le terme de formatage peut signifier des situations différentes, notre système éducatif n’est pas exempt d’une part de cet objectif pour deux raisons (au moins). L’école, au sens large, de la maternelle à l’université, est une énorme entreprise qui consomme une part significative du budget de la nation. Le ministère de l’éducation a donc la charge de fixer des objectifs et d’examiner les résultats. Du seul fait de ces objectifs le système éducatif, par la définition des connaissances à acquérir, par les recommandations de méthodes pédagogiques et par les ressources allouées, exerce un effet de formatage pour que le plus grand nombre possible d’individus en formation se rapproche des modèles visés. La deuxième raison tient au fait que l’école ne sait pas ou ne se donne pas les moyens de prendre en compte la grande diversité des personnes à former. En conséquence les mêmes contenus pédagogiques, les mêmes méthodes, les mêmes évaluations sont imposés à tous qu’ils soient haut potentiel intellectuel ou en difficulté, dyslexique, autiste, atteint d’un handicap physique ou simplement démotivé ou pas intéressé. L’école satisfait aux besoins du plus grand nombre et on s’efforce de faire entrer les autres dans le moule. Je suis schématique mais je n’ignore pas les progrès accomplis ni les efforts consentis par beaucoup d’enseignants.
Un tel formatage est un mal nécessaire. Dans son rôle l’Etat fixe des objectifs éducatifs pour que les nouvelles générations sachent s’adapter aux futures évolutions de la société, tenir leur rôle dans le monde en devenir. Il répartit les ressources pour que chaque futur citoyen bénéficie au mieux du système éducatif avec un lissage de l’inégalité des chances. Si vertueux voudrait-il paraître, il faut reconnaître que l’école produit un conditionnement à la compétition et une hiérarchisation des individus par l’intelligence. Il existe dans la société et dans le monde des forces de formatage puissantes et acceptées conduisant à une soumission à des dogmes (la pensée dominante sur la peine de mort, l’avortement etc.): les réseaux sociaux, les médias, les prêches dans les églises, le langage managérial (https://www.philomag.com/articles/agnes-vandevelde-rougale-la-novlangue-manageriale-un-formatage-de-la-pensee)
A quelles conditions le système éducatif peut-il remplir son rôle d’éveil plus que de formatage? Dans le contexte actuel de désarroi individuel et social cette question peut se traduire en: quelles menaces pèsent sur notre système éducatif et plus globalement dans les démocraties? Car tout ce qui menace la démocratie menace le système éducatif et réciproquement. L’ensemble des institutions de l’Etat doit garantir les objectifs de l’éducation, ses ressources et leur répartition, les contenus et les méthodes pédagogiques, la méthodologie des évaluations et l’utilisation de leurs résultats, la qualité du corps enseignant, son indépendance et sa neutralité politique et religieuse, la santé et la sécurité de tous les intervenants dans le système éducatif, la collaboration des familles et leur respect de l’institution. La responsabilité politique est donc fondamentale.
La laïcité donne lieu à d’interminables débats avec en exergue la question du voile à l’école. Des communautés participant au système éducatif ne doivent pas interférer avec les objectifs nationaux et l’école ne doit pas devenir un lieu de prosélytisme. Pour poursuivre sa tâche le système éducatif se confrontera à de multiples interrogations et difficultés: Face à l’évolution exponentielle des connaissances comment sélectionner et bâtir les programmes d’enseignement? Comment anticiper les évolutions sociétales pour former des personnes capables de s’adapter aux nouvelles situations? Comment gérer la concurrence des sources du savoir: l’école, les médias, les réseaux sociaux, les entreprises, les groupes de pression, la famille etc. Comment gérer la primauté de l’écologie? et l’accessibilité à des technologies qui bouleversent les méthodes traditionnelles et pourraient conduire à la contestation des connaissances et des bases de réflexion, de la légitimité et de l’autorité des enseignants?
Enfin, quand l’école a -t-elle fini de remplir sa mission? Quand peut-elle lâcher dans le vaste monde les individus formés et formatés? Dans un monde qui accélère sans cesse ses transformations, est-ce que cela a un sens de considérer qu’au temps désigné, il n’y a plus de besoin éducatif et que c’est valable pour tous? L’éducation est terminée et la formation ultérieure est confiée au hasard et à la loi du marché.