Café Philo – Septembre 2022: La Féminité, La masculinité: données culturelles ou naturelles?

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La féminité et la masculinité ne sont pas des concepts immuables et universels. Ils englobent toutes les caractéristiques, les valeurs, les comportements, les évènements que chacun rattache consciemment ou non au sexe féminin et au sexe masculin. Autant d’individus, autant de concepts de féminité et de masculinité dont les représentations mentales se traduisent plus ou moins fidèlement avec des mots. Pour chacun de nous les éléments constitutifs de ces concepts changent au cours de la vie avec les expériences (les interactions avec d’autres individus et avec la société) et l’acquisition de connaissances. En fonction des époques, des lieux géographiques, des groupes sociaux ces concepts ont pu avoir des significations et des modes d’expression très différents.

Toutes les sociétés humaines ont fait à partir des bannières « féminité » et « masculinité », quoi qu’elles sous entendent, deux catégories auxquelles elles ont assigné des rôles sociaux. Dans certaines circonstances, la répartition des rôles s’est faite naturellement, sans que le groupe social en prenne pleinement conscience, en fonction des compétences naturelles respectives des individus des deux sexes: en simplifiant et avec l’objectif évolutionnaire de l’espèce (survie et reproduction), aux hommes les activités qui requiert la force physique, aux femmes la maternité et l’allaitement, avec toutes les conséquences sur l’organisation sociale. Dans d’autres circonstances l’attribution des rôles sociaux résulte de l’histoire du groupe, de choix en pleine conscience, d’une volonté de domination d’un sexe par l’autre, institutionnalisés par des objectifs politiques. Les rôles sociaux assignés sont constitutifs des concepts de « féminité » et « masculinité » mais ils ne les résument pas et n’en sont pas indissociables comme le montre l’évolution: des hommes exercent aujourd’hui la fonction de sage-femme.

Dans la question « La féminité, la masculinité, données culturelles ou naturelles? » il faut entendre que « données » peut concerner celles qui nous servent à élaborer puis mettre à jour nos représentations mentales de la féminité et de la masculinité, et celles qui expliquent la répartition des rôles sociaux telle qu’on la constate aujourd’hui dans notre société patriarcale. La question n’est pas de savoir si la répartition est équitable et justifiée mais plutôt de comprendre pourquoi toutes les sociétés ont basé la répartition sur cette dualité, si les raisons n’en sont pas aujourd’hui obsolètes et dans ce cas s’il existe une alternative.

Dans la mesure où le cerveau est le premier organe sexuel, je pense avec mon sexe et l’élaboration des concepts ne peut s’affranchir de données naturelles. Si je pense à la féminité, mon cerveau conscient y associe des données naturelles comme seins, règles, grossesse, allaitement, accouchement, ménopause etc… et des données culturelles comme beauté, grâce, séduction, amour maternel, infirmière, sage-femme, assistante sociale etc… Les données constitutives du concept de féminité et cela vaut aussi pour la masculinité, sont mixtes naturelles et culturelles. L’organisation sociale qui résulte de la répartition des rôles entre hommes et femmes reste aujourd’hui encore sous la dépendance de la sélection naturelle et de son objectif primordial la survie et la reproduction de l’espèce: les femmes ont un cycle de fertilité, des grossesses et allaitent, les hommes ont du sperme et une fonction de protection. C’est à mon avis la raison pour laquelle toutes les sociétés humaines se sont construites sur ce modèle. Mais à partir de cette donnée fondamentale les sociétés divergent dans leur organisation, leurs objectifs, les fonctions attribuées et donc dans les représentations de la féminité et de la masculinité. Un groupe social, à un moment donné de son histoire aura voulu cantonner les femmes dans leur rôle de reproductrices ou plus largement dans un rôle de mère au foyer, les excluant volontairement de l’éducation, de la formation professionnelle, de toute promotion sociale et des responsabilités civiques. Inversement des tribus matriarcales ont exclu les hommes de tout rôle tribal (Maurice Godelier, Métamorphoses de la parenté) . Il s’agit donc ici de données essentiellement culturelles.

Cette dualité naturelle imposée à l’espèce évolue: du sperme est disponible dans des banques, la force physique est davantage partagée, la fécondité est maitrisée, l’allaitement peut être remplacé, la recherche médicale progresse vers l’utérus artificiel et le monde contemporain pourrait nous contraindre à réduire drastiquement le nombre d’enfants. Dès lors est-il encore justifié d’organiser les rôles sociaux sur la base de la féminité et de la masculinité? Il n’y a pas de volonté politique clairement affichée d’ignorer totalement le sexe dans l’attribution des rôles. Par ailleurs les sociétés ont une composante ultra conservatrice qui lutte pour que rien ne change. Toutefois un mouvement de fond s’est enclenché depuis plusieurs décennies pour que les rôles soient répartis en fonction des capacités et des compétences des individus sans préjugés discriminatoires de sexe, de race … L’égalité des chances dans l’éducation, l’obligation de la parité en sont des étapes. Les données sur la féminité et la masculinité, qu’elles soient naturelles ou culturelles, sont profondément ancrées dans nos cerveaux et dans nos sociétés et s’opposent à un changement radical mais nul doute que, toujours dans la perspective évolutionnaire où les individus s’adaptent à leur environnement ou disparaissent, la répartition des rôles sociaux s’effectuera sur une nouvelle base où le sexe ne sera pas prépondérant.

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