La vie en sourdine de David Lodge, publié en français en 2008, édition chez Rivages-Poche en 2014

Dessin de Gaspard R. 15 ans (tous droits réservés)

« La vie en sourdine » est le dernier roman publié de David Lodge, romancier anglais et ancien professeur d’université (https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Lodge#%C5%92uvre). C’est le journal intime d’un professeur de linguistique à l’université, récemment retraité et qui souffre de surdité. L’originalité de son récit tient beaucoup aux difficultés qu’il rencontre pour comprendre ses interlocuteurs, soit qu’il ait oublié de mettre ses prothèses auditives, soit qu’elles soient mal adaptées ou que les piles soient usées… Il en résulte des quiproquos souvent assez drôles qu’il nous raconte avec humour, ironie et beaucoup d’autodérision.

Derrière cette présentation légère de sa situation, David Lodge traite de problèmes très sérieux qui impactent ses relations quotidiennes (https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/19608). Comment la surdité perturbe sa vie et la tentation de l’isolement, comment elle menace sa vie de couple car sa femme s’épuise à se faire entendre et à rattraper les bévues commises à cause de ses interprétations erronées. Le romancier nous fait partager son ressenti du départ en retraite: qui est-on lorsqu’on a abandonné son activité professionnelle et qu’on perd la notoriété, la reconnaissance, les honneurs, les avantages et les relations? Qu’en reste-t-il? Où trouver des motivations pour cette nouvelle vie? Faut-il s’accrocher à l’ancien monde et à une vitalité passée en succombant aux charmes et aux excentricités d’Alex Loom, la belle étudiante américaine?

Le roman est autobiographique lorsque l’auteur parle de sa surdité et de la vie universitaire. Il l’est aussi dans ses relations à son père qu’il nous fait vivre avec beaucoup de sensibilité et de finesse. Son père a toutes les misères du grand-âge, manies, obsessions, défaillances physiques, comportements critiques, perte progressive d’autonomie… Ne pas en faire assez pour lui plonge le fils dans la culpabilité, en faire plus l’obligerait à outrepasser les volontés du père. Qui est cet homme si proche et si différent de lui qu’il accompagne jusqu’à la mort?

Dans son journal intime chacun aborde les sujets qui ont retenu l’attention et qu’il juge dignes d’intérêt et David Lodge ne s’en prive pas. Certains sont légers et drôles comme les séances d’apprentissage de la lecture labiale. D’autres sont graves comme sa visite du camp d’Auschwitz-Birkenau. A noter encore le beau texte d’un naturaliste, Bruce Cummings (https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruce_Frederic_Cummings), lu à l’enterrement de son père (page 440). C’est le troisième roman que je lis de David Lodge après « Changement de décor » publié en français en 1990 et « Thérapie » publié en 1998. C’est à chaque fois une belle lecture sur notre humanité.

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